Cocaïne : la dopamine n’y est pour rien !

Pourquoi certaines personnes qui consomment de la drogue développent-elles une addiction et pas d’autres ? Selon une recherche de l’Université de Genève (UNIGE) la production de dopamine, communément appelée « hormone du bonheur », n’est pas à l’origine de l’abus de cocaïne. Ce résultat ouvre la porte à l’exploration d’autres mécanismes pouvant expliquer la vulnérabilité aux drogues.

Dans une récente étude, une équipe de l’UNIGE a exploré l’interaction complexe entre différents comportements impulsifs, la production de dopamine et la consommation de drogue, en particulier la cocaïne. Une personnalité impulsive est-elle davantage sujette à l’abus de drogues? Produit-elle plus ou moins de dopamine? Pour le savoir, les scientifiques ont étudié deux groupes de rats, l’un composé d’individus très impulsifs, l’autre d’individus moins impulsifs. Ces animaux ont été entraînés à s’auto-administrer de la cocaïne à une dose qui déclenche des neuro-adaptations dopaminergiques, sans nuire à leur santé.

«Nous avons observé qu’il n’y avait pas de différences dans la capacité à produire de la dopamine entre les animaux très impulsifs et les animaux moins impulsifs. En d’autres termes, l’impulsivité et la vulnérabilité à l’abus de cocaïne ne seraient pas liées à la production de dopamine, mais à des mécanismes contrôlant sa libération», explique Ginna Paola Urueña-Méndez, doctorante au Département de psychiatrie et au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE, et première auteure de l’étude.

Avancée significative

L’équipe a ensuite évalué la consommation répétée de cocaïne et son impact sur les niveaux de dopamine dans les deux groupes de rongeurs. «Jusqu’à présent, l’idée selon laquelle la consommation régulière de cocaïne pouvait réduire la capacité à produire de la dopamine était acceptée. Nos résultats contredisent cette hypothèse puisque les deux populations de rats ont conservé la même capacité à produire de la dopamine, malgré une consommation chronique», explique Nathalie Ginovart, professeure associée au Département de psychiatrie et au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé cette recherche.

Ces travaux constituent une avancée significative dans la recherche sur la toxicomanie. Ils ouvrent la porte à l’exploration d’autres mécanismes pouvant expliquer la vulnérabilité aux drogues. «Cette variation de vulnérabilité pourrait être liée à la relative réactivité des neurones dopaminergiques, de sorte que certains stimuli, y compris les drogues, sont plus saillants chez les animaux plus impulsifs», estiment les chercheuses. L’équipe poursuit actuellement ses travaux afin d’évaluer comment les mécanismes contrôlant la réactivité des neurones dopaminergiques influencent la vulnérabilité à l’abus de drogues.