L’ancienne Byzance – puis Constantinople – semble coutumière des écartèlements. Trait d’union entre Occident et Orient, la gigantesque conurbation aux plus de 14 millions d’habitants se veut aussi passerelle entre les clichés du passé et un futur déjà marqué par tous les totems de la globalisation. D’un côté: les sultans, harems, hammams, tapis, narghilés et loukoums; de l’autre: les audacieuses constructions du XXIe siècle, le bling-bling des discos, les galeries d’avant-garde, la cuisine et les fringues mondialisées.
Clic-clac!
Pour saisir l’antique Corne d’Or, les photographes ont leurs repères: des clubs haut perchés – comme le 360 – ou l’antique Tour de Galata peuvent faire office de mirador. Au-delà des zones historiques, la ville tentaculaire se donne des airs de Manhattan. Il faut donc aller contempler Levent – l’un des principaux quartiers d’affaires – que la 19e plus grande mégapole du monde fait pousser sur sa partie européenne. Les clients du premier Mövenpick d’Istanbul (un second établissement vient d’ouvrir un peu plus bas) se bousculent en terrasse pour contempler ce qui leur rappelle Shanghai ou Dubaï.
Ville-monde
Il y a trois ou quatre décennies, la construction stambouliote était aux mains de promoteurs qui se contentaient de reproduire les mêmes modèles à travers le tissu urbain. Tout a changé au tournant du millénaire. De grandes consultations architecturales ont été lancées, auxquelles ont été conviées des stars mondiales comme Norman Foster, Frank Gehry ou Zaha Hadid. Les capitaux investis dans l’immobilier ont explosé, engendrant de pharaoniques projets.
Eldorado
Aux petits négoces de quartiers et aux marchands ambulants ont succédé d’ambitieux centres commerciaux à l’américaine, perçus comme autant d’eldorados par une classe suffisamment nantie pour convoiter le luxe international. Précurseur de ce mouvement, le Galleria Ataköy a ouvert à la fin des années 80, puis, le Cavahir Mall en 2005. Le Zorlu Center – intégrant une salle de spectacle et une véritable agora, a coûté un milliard de dollars.
Plus inattendu que ses prédécesseurs, le Kanyon porte bien son nom: en le traversant, on croit passer entre deux falaises. Coiffé par un jardin, ce complexe de boutiques et espaces conviviaux superpose les espaces verts. Ecartelé, il facilite aussi la communication entre deux quartiers complètement différents de la ville: ici, le mètre carré se dispute à plus de 8000 dollars; là, dans une zone pauvre, il vaut dix fois moins… la passerelle, toujours, entre univers contrastés. www.pichonvoyageur.ch