Hausse de loyers: contester paie

Les augmentations successives de loyers mettent à mal les finances des Genevois. Pourtant, le Droit du bail n’est pas une forteresse imprenable. Voici des cas où les locataires ont fait plier les bailleurs. Preuves à l’appui.

Les loyers ont pris l’ascenseur en 2023. La faute notamment au taux d’intérêt de référence pour le calcul des loyers qui a augmenté deux fois en huit mois, passant ainsi de 1,25% à 1,5% en juin et 1,75% en décembre. Or, chaque flambée du taux de référence peut se répercuter sur le loyer à hauteur de 3%. Sans oublier, la répercussion d’une partie de l’inflation (40%) et parfois même des charges d’exploitation d’immeuble.
Si la situation étrangle maints ménages genevois, elle n’est pas toujours figée pour autant. Dans quels cas concrets peut-on obtenir une baisse de loyer?  La procédure est-elle un casse-tête? Contester s’apparente-t-il au combat du pot de terre contre 
le pot de fer? Réponses à travers quatre témoignages de locataires.

Coût de la vie
Lucien* loue depuis 2020 un appartement de 5,5 pièces situé aux Eaux-Vives. Le 19 juin 2023, il reçoit 
un courrier de la société immobilière qui lui signifie que son loyer annuel de 32’000 francs va passer à 34’800 francs. Motif invoqué: les hausses du taux hypothécaire (1,25% à 1,5%), du coût de la vie et des charges d’exploitation de l’immeuble. Lucien fait valoir que le montant dont il s’acquitte est déjà abusif. Il sollicite un calcul de rendement de l’immeuble et conteste par ailleurs, et à titre subsidiaire, que les charges d'exploitation aient augmenté depuis la date de la dernière fixation du loyer.
L’opposition est suivie d’une audience de conciliation. Celle-ci est soumise à conditions:   tous les locataires doivent impérativement y prendre part. A défaut, l’affaire est classée. Et un délai de 30 jours doit être respecté, sans quoi il ne sera plus possible de contester.
Résultat: durant la conciliation déjà, avec l’aide de la Commission de conciliation, Lucien peut négocier un abandon de tout ou partie de la hausse et/ou un échelonnement de celle-ci. Si aucune solution n’est trouvée, 
le bailleur peut tenter de faire valider sa hausse devant le Tribunal. Et à 
ce moment-là, le locataire peut arguer que le loyer était déjà abusif avant 
la hausse et que celle-ci ne peut donc être admise.

Changement de locataire
Pauline* signe un bail pour un logement qui se trouve dans le quartier des Pâquis. Le propriétaire est une assurance. La jeune femme note que le loyer est passé, à quelques mois d’écart, de 24’100 francs à 38’000 francs cette année. Comme la loi le lui permet, Lucie conteste au motif que 
les loyers du quartier ne peuvent justifier la hausse. Elle demande donc au bailleur qu’il produise 5 exemples comparatifs auxquels il s’est référé pour déterminer le prix. Elle sollicite en outre un calcul de rendement de l’immeuble. Ainsi, elle conclut à ce que sa location annuelle soit fixée à 21'600 francs (soit près de la moitié du montant réclamé par le bailleur), dès le 1er juillet 2022 (sous réserve du résultat du calcul de rendement). Elle demande par ailleurs le remboursement du trop-perçu et la réduction de la garantie à 5400 francs.
Résultat: l’affaire est toujours en cours. Mais durant la phase de conciliation, le bailleur a proposé de réduire le loyer à 30'000 francs par an.
A noter que tout locataire qui emménage au bénéfice d’un nouveau bail a 30 jours pour contester. Ce délai court dès la remise des clefs ou dès la réception de l’avis de fixation du loyer initial (formulaire vert), si ce document est remis après la prise de possession des lieux.

Nuisances
Anne-Marie* habite au 5e étage d’un immeuble de Plainpalais. Elle estime qu’elle a droit à une réduction du montant de son loyer car l’ascenseur est en panne depuis plusieurs semaines. Elle a adressé sa requête à la régie immobilière qui représente son bailleur. Elle a pris soin de conserver scrupuleusement les preuves de cette nuisance.
Résultat: elle a obtenu une réduction de 15% du montant de sa facture pour toute la durée du problème. Il faut savoir aussi qu’une baisse de loyer peut être octroyée même si 
les nuisances proviennent d’un chantier voisin.

Travaux non autorisés
Jean* a élu domicile dans le secteur de la Servette. Il vient de signer son bail et constate que son loyer a été augmenté par rapport à celui de l’ancien locataire. Or, son propriétaire a fait des travaux non autorisés.
Résultat: Jean a le droit de remettre en cause le prix de sa location avec effet rétroactif depuis le début du contrat. Ceci est aussi valable si l’avis de 
fixation du loyer initial est mal rempli autrement dit insuffisamment motivé.

 

Attention au respect des délais!

L’Association des locataires (ASLOCA) encourage les contestations des loyers estimés indus. Comme l’explique le juriste Christian Dandrès: «En effet, les hausses frappent des locataires ayant conclu leurs baux depuis 2020 pour celle de juin (passage à 1,5%) et depuis 2017 pour celles de décembre (passage à 1,75%). Il s’agit donc de contrats récents dont les loyers sont souvent déjà trop élevés. Avec ces augmentations, les bailleurs cherchent à ajouter de l’abus à de l’abus. Il est donc possible de s’y opposer.» Selon l’avocat, pour les immeubles construits ou achetés il y a moins de 30 ans, prouver l’abus avec un calcul de rendement est relativement simple. 
Dans les autres cas, le locataire peut invoquer le niveau des loyers en usage dans le quartier. «A noter que ce critère est le plus souvent mis en avant par le bailleur pour fixer le loyer au début du bail. Ce dernier aura ainsi du mal à affirmer que cet usage a grandement évolué en quelques années», affirme encore le spécialiste de l’ASLOCA.
La contestation doit se faire auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, non pas auprès du bailleur ou de la régie. Il existe des formulaires en ligne pour ces contestations, établis par l’Etat de Genève. On peut facilement les trouver avec un moteur de recherche. 
Attention, ils doivent absolument contenir les informations suivantes: les prénoms et noms des locataires, soit de toutes les personnes figurant sur le bail. En cas de décès, les héritiers du locataire doivent également apparaître aux côtés du locataire survivant. De même, le bailleur doit être clairement identifié. Il ne suffit pas d’inscrire uniquement 
la régie. Pour éviter des erreurs ou des omissions pouvant entraîner l’invalidation de la contestation, il est utile de se renseigner auprès de l’Association des locataires.
La contestation doit s’effectuer dans les 30 jours dès la notification de l’avis de majoration de loyer. Ce délai commence à courir dès le lendemain du jour de réception du courrier recommandé ou à la fin du délai de garde à la Poste si le courrier n’a pas été retiré. D’où la nécessité de ne pas laisser de recommandés en souffrance.