Joël Dicker: que du bonheur!

  • Le jeune Dicker va faire un tabac en librairie.

    Le jeune Dicker va faire un tabac en librairie.

LITTÉRATURE • 27 ans seulement, et déjà Grand Prix du Roman de l'Académie française! Oui, Joël Dicker est un phénomène. Oui, il écrit bien, nous y reviendrons. Oui, il possède plus que tout autre l'art de capter le lecteur. Oui, il est en plus très sympathique, souriant, modeste dans le triomphe, d'un commerce agréable. Oui, on va le voir, dans les semaines qui viennent, sur tous les plateaux TV. Oui, pas mal de femmes vont tomber amoureuses de lui, il y aura des demandes en mariage. Joël Dicker: que du bonheur! Et c'est peut-être cela qui me froisse un peu. Parce que je suis jaloux, of course.

A la limite du polar

Il faut le dire: La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert (Editions de Falloi / L'Age d'Homme, août 2012) se lit incroyablement bien. A limite du polar, sans en être exactement un, il nous entraîne dans une Amérique de la Côte Est appétissante et fascinante, avec des écrivains, de la recherche, un passé qui remonte, de l'imagination, et une sacrée construction littéraire. Méfiez-vous: vous risquez, si vous commencez le bouquin, de ne plus le lâcher jusqu'à la 665e page! Un livre écrit pour être lu, capter, captiver même, et ça marche, sans pour autant que les recettes soient trop visibles, du bon boulot! Assurément, Dicker va faire en librairie l'un des plus fantastiques tabacs de ces dernières années.

Un futur Spielberg ?

Oui, il y a ce côté décomplexant: remporter un prestigieux Prix littéraire avec un livre simple et clair, grand public, un best-seller. Franchement, ça fait du bien! Ecrire pour être lu, jusqu'à nouvel ordre, ne constitue pas encore une infraction au bon goût, ni au Code pénal. Et la vérité que tente de trouver Marcus Goldmann sur ce qui s'est passé pendant l'été 1975 dans le New Hampshire, tout lecteur se prend à la chercher avec lui, sur le passé du professeur Harry Quebert, et la nature de ses relations avec la très jeune Nola Kellergan. Déjà, on voit le film. Déjà, les images du scénario. Spielberg! Le jeune Dicker va faire fortune!

Un livre à lire

Maintenant, il s'agit d'un livre, avec l'estampille «roman». Sur le plan purement littéraire, il aurait mérité cent ou deux cents pages de moins. Avec un travail ciselé sur l'écriture. J'en ai parlé à Dicker, qui entre en matière, mais avance la nécessité de répétitions, pour bien baliser l'intrigue. Donc, clairement la volonté de ratisser un très large public. Elle est au moins assumée, va conduire l'auteur, sur ce coup-là, à un triomphe de ventes, tant mieux pour lui. Pour le statut d'écrivain, avec ce qu'il peut avoir parfois de résistance dans le travail de la forme, de précision dans chaque souffle, chaque syllabe et chaque virgule, il y a peut-être pour ce jeune auteur une marge de progression. Mais ne gâchons pas notre plaisir: voici un livre à lire. Si vous le commencez, au lit, à 22 heures, comme l'a fait Bernard Lescaze, vous en tournerez la dernière page, blanche comme votre nuit, sur le coup de six heures du matin. Bonne lecture!

A l'instant où nous mettons sous presse, nous apprenons que le livre de Joël Dicker fait partie de la dernière sélection du Prix Goncourt 2012, et risque fort de créer encore la surprise.