«Un compromis pour sortir du chaos actuel»

  • Le ministre de la Santé, Mauro Poggia, avec son collègue vaudois Pierre-Yves Maillard, s’est lancé dans une nouvelle initiative populaire fédérale.
  • Intitulé «Assurance-maladie. Pour une liberté d’organisation des cantons», le texte prévoit la possibilité de créer des caisses de compensation cantonales de l’assurance maladie chargées de fixer et d’encaisser les primes.
  • Ce compromis pragmatique permettrait enfin une transparence et une maîtrise des coûts salutaires. Interview.

  • Mauro Poggia repart  au combat. STéPHANE CHOLLET

    Mauro Poggia repart au combat. STéPHANE CHOLLET

«La tansparence aura des conséquences sur la maîtrise des coûts»

Mauro Poggia, chef du Département de l’emploi et de la santé

GHI: Pourquoi se lancer à nouveau dans une initiative, alors que les projections semblent annoncer un retour à l’équilibre sur le front des primes?

Mauro Poggia: Parce que l’opacité règne toujours sur la manière dont les primes sont fixées par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP)!

– C’est-à-dire?

– Aujourd’hui, l’autorité fédérale invoque le secret des affaires pour ne plus fournir la moindre information sur la fixation des primes. On attend des ministres cantonaux de la Santé qu’ils se prononcent sur une question cruciale la tête dans le sac et sans pouvoir réagir aux aberrations que l’on constate depuis des années.

– Un exemple?

– Oui. Selon l’OFSP, l’augmentation annuelle moyenne des coûts bruts à charge de la LAMal à Genève entre 2012 et 2017, soit la totalité des factures envoyées aux assurances sans déduction des franchises et participations, n’a été que de 2,6%. Rien ne permet de projeter une augmentation supérieure pour 2018. Pourtant, les primes des Genevois ont augmenté de 5,2% par rapport à 2017, soit une hausse deux fois supérieure, représentant pour le canton 56 millions. Ce n’est ni crédible ni sérieux!

– Que propose votre initiative?

– Il y aura toujours une prime par tête, des franchises et la possibilité d’adhérer à des systèmes complémentaires. Ce qui changera, c’est que le versement des primes ira à une institution de droit public cantonale qui gérera l’argent et fixera le montant des primes. La force de cette initiative, c’est qu’elle donnera un processus transparent et rigoureux de fixation de la prime. Et garantira par conséquent une utilisation juste et équitable de l’argent des assurés et des contribuables qui doivent se substituer, toujours davantage, aux personnes incapables de payer leurs primes.

– Que restera-t-il aux mains des caisses maladie encore actives?

– Le travail d’affiliation, la gestion des mutations et le contrôle des factures. Et puis surtout, il leur restera le contact avec les assurés de base ce qui leur permettra de placer leurs complémentaires. Ce n’est pas par hasard si Jean-Paul Diserens, le fondateur d’Assura, soutient notre initiative qui est le meilleur compromis pour sortir du chaos actuel.

– C’est votre texte ou le chaos?

– Non, il y a une autre voie. Celle de puissants intérêts, d’une logique marchande absolue qui conduira à la fin de la liberté de choix du médecin.

– Les deux dernières initiatives populaires sur les caisses maladies ont échoué devant le peuple. Ne craignez-vous pas de perdre encore une fois?

– Ce texte tire les leçons du passé. L’idée d’un modèle cantonal correspond mieux à la sensibilité des Alémaniques. En plus, l’initiative s’inscrit dans la logique du système de santé suisse où la responsabilité politique revient aux cantons. Enfin, le texte dissipe les craintes liées au mammouth administratif qu’aurait représenté une caisse unique nationale.

– Reste une interrogation. Votre initiative ne règle rien en matière de maîtrise des coûts.

– En apparence non, mais en réalité oui. Parce que la transparence aura des conséquences sur la maîtrise des coûts et parce que l’initiative enjoint la caisse de compensation de mener des politiques de prévention, ce qui agira aussi à moyen ou à long termes sur les coûts. A cela s’ajoute que les réserves pourront être réduites et seront contrôlées sur le plan cantonal.

– Reste à convaincre sur le plan politique. Ce n’est pas gagné...

– C’est vrai, l’initiative ne va pas aussi loin que le voudraient certains militants à gauche, et cadre ce libéralisme si cher à la droite. A court terme, pour booster la récolte de signatures, il nous faut travailler à ce que les milieux de gauche et les milieux syndicaux renoncent à leur vieille ambition d’un système centralisé et national, et rappeler à la droite que la santé n’est pas un marché comme les autres.

– A combien de paraphes en êtes-vous aujourd’hui ?

– A environ 25’000 signatures, ce qui n’est pas si mal compte tenu du fait que le démarrage ne date que de quelques mois et que la récolte a eu lieu uniquement en Suisse romande. Avec la hausse continue des primes qui frappe de plus en plus d’Alémaniques, j’ai bon espoir que l’initiative soit soumise au peuple, d’autant que, pour la première fois, nous avons de notre côté des élus de droite, des sections de partis de droite et des associations de soignants, ce qui fait un front assez large. Lire aussi le texte de l’initiative en page 6