Ils ont peur du peuple!

VOTATIONS • A Berne comme dans les cantons, les pouvoirs en place commencent à avoir peur de la démocratie directe. Ouvertement ou discrètement, ils multiplient les gesticulations pour tenter de limiter les droits populaires.

  • Le Palais fédéral à Berne. DR

    Le Palais fédéral à Berne. DR

«Laissons vivre la démocratie directe»

Pascal Décaillet

En Suisse, le peuple est le souverain ultime. Il ne décide pas de tout, mais il peut être appelé à trancher en dernière instance. Il décide, avec les cantons, lors d’initiatives. Il décide, pour ou contre une loi votée par un Parlement, lorsque cette dernière est attaquée en référendum. Le peuple souverain n’est pas un dictateur, n’a pas à l’être. Mais il est ultime. A ce principe, très envié autour de nous, les Suisses sont infiniment attachés. Comme à la prunelle de leurs yeux. Or, de plus, en plus, que voit-on? De partout, dans les cantons, dans la Berne fédérale, les partisans des corps intermédiaires et des pouvoirs en place entreprennent toutes choses pour tenter d’atténuer le pouvoir du peuple. Par exemple, en bridant le droit d’initiative. Ces démarches sont inacceptables. Elles doivent être combattues avec la dernière énergie.

Prétention et arrogance

Les parlementaires, les exécutifs, n’aiment pas les initiatives ni les référendums. Bien sûr qu’ils ne les aiment pas! Cette détestation est parfaitement normale, puisque le référendum attaque précisément les lois votées par des Parlements, et l’initiative lance dans l’arène publique un thème que, du haut de leur Parnasse, ils n’ont été capables ni d’imaginer, ni d’empoigner. Ils sont donc mis en causes, nos chers élus. La voix du peuple, d’en bas, vient leur dire que sur tel sujet, ils ont mal travaillé, ou même pas travaillé du tout, parce que rien vu venir. Alors, ce thème, jailli des profondeurs, est immédiatement pris de haut par les pouvoirs en place et leurs suppôts médiatiques: on dit qu’il est populiste. Comme si c’était une insulte. Surtout, comme si le souverain, le jour venu, n’était pas capable lui-même de discerner l’éventuelle part de facilité putassière de tel texte qu’on lui soumet. Il y aurait des gens qui d’en haut, auraient la lucidité de voir le populisme, mais les quatre millions d’en bas (le corps électoral suisse) ne l’auraient pas. Arrogance, Prétention. Superbe. Mais pour qui se prennent-ils, ces extralucides de l’Olympe?

Limitation des droits populaires

Dernière plaisanterie en date, on apprenait dimanche 22 juin, par la Sonntagszeitung, que la Chancellerie fédérale, en secret, avais mis en place un groupe de travail pour plancher sur une limitation des droits populaires. Sur ordre de qui? De quel conseiller fédéral? Le Parlement en a-t-il été informé? La vérité, c’est que partout, à Berne comme dans les cantons (et Genève n’est pas en reste!), les pouvoirs installés commencent à avoir peur de cette démocratie directe qui leur fait ouvertement concurrence. Alors, de tous côtés, on bricole des solutions de fortune pour tenter de la brider. Une initiative, pourtant munie des signatures requise, déplaît? On parle de l’invalider. On invente de byzantines raisons juridiques. On nous fait le coup du «droit supérieur», comme si notre pays était d’un Saint-Empire dont la souveraineté ultime était à chercher ailleurs que chez lui.

Gesticulation

Mais le peuple n’est pas dupe. Ces gesticulations, il les voit très bien. Le paravent du juridique pour camoufler des mises à l’écart politiques, il en est parfaitement conscient. A Genève comme au niveau fédéral, laissons vivre la démocratie directe. Tant de peuples, autour de nous, nous l’envient.