La politique, ça s’apprend dès l’école!

CIVISME • La citoyenneté, ça s’apprend, ça s’aiguise. Plaidoyer pour des ateliers, pleins de vie et de créativité, pour s’initier dès l’école à l’oralité. Et se frotter à l’analyse critique de toute forme de discours.

  • L’école doit aussi être un lieu privilégié où l’on apprend le sens critique et où l’on acquiert les outils de compréhension du langage politique. 123RF/DOLGACHOV

    L’école doit aussi être un lieu privilégié où l’on apprend le sens critique et où l’on acquiert les outils de compréhension du langage politique. 123RF/DOLGACHOV

En Suisse, c’est à partir de l’âge de 18 ans qu’on peut voter. Mais c’est bien en amont qu’il faut initier les jeunes à décortiquer le langage politique! Comment imaginer, en 2018, dans un monde envahi par les messages, submergé d’invitations à voter pour X ou Y, que subitement, un jeune soit irradié, le jour de ses 18 ans, par les lumières de la compréhension politique? Comment le serait-il, à moins d’un parcours personnel (ce qui est rare), si, dans les années précédentes, il n’a pas été initié à une lecture critique de ce que le monde politique pourra lui délivrer, toute sa vie, comme propagande? Ce travail passionnant, aux confins de l’histoire et de la linguistique, le seul acteur qui peut l’entreprendre à une grande échelle, de façon égalitaire, citoyenne, c’est l’école. Quelle école? Mais celle de la République, l’école pour tous, celle qui est réputée nous donner des clefs pour nous aider à affronter la vie.

Elève acteur

Ce travail d’initiation, il faut qu’il soit vivant, plaisant, excitant. Il doit faire de l’élève un acteur, et non juste un récepteur à qui on inculquerait, comme à une oie gavée, les notions de base sur le Grand Conseil, le Conseil d’Etat, le National, les Etats, le Conseil fédéral, etc. Beaucoup d’enseignants le font déjà, avec des débats citoyens, comme dans les parlements de jeunes, sur des thèmes d’actualité. Les élèves y tiennent des rôles, prennent position, apprennent à argumenter en écoutant l’adversaire, ce qui est loin d’être si facile.

Citoyens de demain

Tout cela, c’est très bien. Mais il faut aller beaucoup plus loin: la parole médiatique, celle des journaux, des sites, des radios, des TV, doit être abordée de façon critique. Pour cela, il faut prendre le temps d’écouter des émissions, ou les visionner, démonter les mécanismes du langage, analyser le discours. Non pour condamner tel intervenant, mais simplement pour comprendre comment le langage, notamment l’oralité, fonctionne. Ces ateliers, qui existent déjà, doivent se multiplier: ça n’est pas un luxe, mais une absolue priorité pour former les citoyens de demain.

Expression orale

Il se n’agit pas de «faire de la politique à l’école». Mais de faire de l’école le lieu privilégié où l’on acquiert les outils de compréhension du langage politique. Le sens critique, ça s’apprend. Ça s’aiguise. Et cet apprentissage, mené par des profs enthousiastes et éveillés, dans des ateliers et surtout pas dans des cours, doit avoir les vertus d’une mise en appétit. Ces lieux de vie, autour du langage, où la parole se capte avec un micro, puis s’écoute à plusieurs, doivent mettre en jeu le rapport de chacun avec l’expression orale. Chacun doit y être respecté. La formation doit se faire dans l’esprit d’un humanisme révélateur des qualités individuelles. Il faut qu’on s’y engage, qu’on y mette du sien, qu’on s’y engueule un peu, qu’on y éclate parfois de rire. Comme dans la vie. Oui, je rêve que l’école consacre beaucoup plus de temps à former des citoyennes et des citoyens. Et pas seulement des consommateurs. Ou des clients.