Les députés doivent contrôler le Conseil d’Etat!

EXéCUTIF • De grâce, laissons travailler en paix les députés qui osent se montrer fouineurs face aux abus de pouvoir potentiels des ministres! Ils sont là pour ça! Encourageons-les! Et à ne surtout pas céder aux pressions!

  • Les membres du nouveau Conseil d’Etat. Les députés votent des lois, mais ont aussi pour mission de surveiller le gouvernement. STéPHANE CHOLLET

    Les membres du nouveau Conseil d’Etat. Les députés votent des lois, mais ont aussi pour mission de surveiller le gouvernement. STéPHANE CHOLLET

A quoi sert un parlement? Dans les grandes lignes, à deux choses: faire des lois, et contrôler l’activité du gouvernement et de l’administration. Prenez l’histoire de l’institution parlementaire, depuis la Révolution française: elle s’inscrit dans cette double mission, au reste déjà entamée sous l’Ancien Régime, alors que le mot «parlement» faisait plutôt référence, en France, à des chambres judiciaires régionales, souvent frondeuses face au pouvoir de Paris, et constituant ainsi une amorce de contre-pouvoir.

Trop de lois?

En Suisse, nous avons 26 parlements cantonaux, et un parlement fédéral, lui-même composé de deux chambres (le National, les Etats), nous avons une histoire complexe et décentralisée, mais aujourd’hui, les missions de toutes ces assemblées sont les mêmes. Faire des lois. Et contrôler l’exécutif.

La première de ces deux tâches fonctionne très bien. Trop, peut-être même: d’aucuns, à juste titre, condamnent l’inflation législative des élus, née de la volonté de se mettre en valeur en inondant le plénum de motions ou projets de loi. Beaucoup, parmi les citoyens, considèrent que nous avons trop de lois, sur le plan cantonal comme fédéral. Trop de lois tue la loi!

Mais la seconde des missions, contrôler le gouvernement, combien de députés l’assument-ils vraiment? Combien d’entre eux ont-ils seulement intégré, dans leur conscience et leur culture politique, que cette activité de contrôle ne relevait en rien du facultatif, encore moins d’un luxe, mais d’un impératif et d’un devoir? Et qu’ils devaient les appliquer à tous les ministres, y compris ceux de leur parti. Trop d’élus s’imaginent qu’ils doivent être les groupies de leur représentant à l’exécutif. Eh bien désolé de le leur dire comme cela, mais ils n’ont rien compris à leur cahier des charges.

Lutter contre l’arbitraire

Les députés, qui sont-ils, si ce n’est les représentants du peuple? Leur collège, qu’on appelle dans les cantons le «Grand Conseil», ne doit strictement rien au gouvernement, n’a aucun compte à lui rendre, c’est même l’inverse. Alors, de grâce, laissons travailler en paix les députés, comme Thomas Bläsi ou Bertrand Buchs, qui ont des choses à nous dire en matière de critique du gouvernement: ils sont là pour ça! Ils ont été élus pour exercer ce contre-pouvoir, au service du peuple, pour lutter contre l’arbitraire des ministres, repérer les abus de pouvoir, c’est leur boulot, leur job! Que les ministres mis en cause, ou leurs officines, essayent de les faire taire, c’est ma foi le jeu. Mais que d’autres députés, bien moins actifs qu’eux dans la mission de contrôle, se permettent de venir leur faire la leçon, là nous devons réagir! Nous, les citoyennes et citoyens de ce canton, nous voulons des élus actifs, dynamiques, courageux, fouineurs, et surtout sachant résister aux pressions. A MM. Bläsi et Buchs, qui ont pris des risques en faisant leur boulot, je dis bravo. A leurs pairs qui leur tombent dessus, je dis: «Changez de métier. Et allez directement cirer les bottes des puissants.»