«Aujourd’hui, les transporteurs mettent trois fois plus de temps pour livrer»
Frédéric Begtoft, dirigeant de Sonexco SA
«C’est vraiment du jamais vu!» lâche Frédéric Begtoft. Brandissant la facture d’une entreprise qui vient de le livrer, le dirigeant de Sonexco SA, spécialiste de l’éclairage, pointe une ligne en particulier. On peut y lire cette mention pour le moins surprenante: «supplément embouteillages». Le livreur a appliqué une hausse de 7,5% pour compenser le temps perdu dans les bouchons. Sur les 98 francs dûs, ce surcoût atteint tout de même 7,35 fr. Toutefois, Frédéric Begtoft n’incrimine pas le transporteur. «C’est logique qu’on en arrive là. Ce n’est pas lui le fautif, estime-t-il. Lui, je le comprends! Aujourd’hui, les transporteurs mettent trois fois plus de temps pour livrer. C’est une réalité!»
Politique anti-voitures
Etant situé à la Servette, il connaît bien le problème. «Il faut 20 à 25 minutes, et jusqu’à trois quarts d’heure, pour aller de la gare Cornavin à chez nous! C’est devenu invivable. Et c’est comme ça toute la journée, pas seulement aux heures de pointe», tempête Frédéric Begtoft. «Cela n’a rien à voir avec le trafic pendulaire, les bouchons résultent de la politique «anti-voitures» menée par les autorités.»
Impossible en vélo-cargo
Pistes cyclables élargies au détriment de la chaussée mais aussi, selon lui, raccourcissement de la durée des feux verts… «Ils essaient de nous imposer leur manière de vivre, poursuit l’entrepreneur. Mais, ce n’est pas à eux de nous obliger à prendre tel ou tel moyen de transport! Et puis, on voit bien qu’ils n’ont jamais travaillé sur un chantier. Demandez à un plâtrier de rentrer chez lui en vélo après une journée de boulot!» Sans compter que les employés de Sonexco SA se déplacent régulièrement avec du matériel: «des choses fragiles, lourdes et encombrantes, impossibles à transporter en tram ou en vélo cargo!»
Un problème que connaît bien Maxime Provini. Le conseiller municipal PLR en Ville de Genève et dirigeant de Ôcaves, explorateurs de vins, est lui aussi obligé de prendre la voiture pour livrer ses bouteilles d’un bout à l’autre du canton. Et il se retrouve confronté à une hausse de ses temps de trajets. Impossible pour lui de reporter cette perte sur la facture adressée au client. «Si je le faisais, il irait directement à la concurrence! En deux ans, nombre de rues sont passées en zone 30, des pistes cyclables ont été installées. Les barrières se multiplient et compliquent la tâche des commerçants sans que personne ne prenne en compte nos remarques.»
S’ajoute aussi, selon Maxime Provini, le manque criant de places de livraison. «Il faudrait se poser sérieusement la question de leur nombre et de leur emplacement», souligne-t-il.
Et d’ajouter: «Le seul argument qu’on nous répète, c’est: passez au vélo cargo. Mais, dans une journée, je ne peux pas aller à la Praille, à Versoix puis retourner au centre-ville en vélo! Si j’avais dix employés peut-être, mais ça n’est pas le cas!»
De son côté, Frédéric Begtoft explique avoir renoncé, pour les mêmes raisons, à embaucher un commercial. «L’idée était qu’il démarche des clients en ville… On a abandonné.» Selon lui, les clients, eux aussi, finissent par lâcher l’affaire. «Ils ne font plus le déplacement, préférant commander sur internet plutôt que d’être coincés dans les bouchons pour se rendre dans les commerces locaux».
Aux yeux de Maxime Provini, «il y a un décalage énorme entre la prise de décisions et la réalité du terrain. Pour le combler, j’invite les conseillers administratifs et le conseiller d’Etat chargé des Infrastructures à m’accompagner lors d’une tournée de livraison. Et on terminera avec une dégustation», conclut-il, visiblement décidé à faire sauter tous les bouchons!