«Le tri complémentaire est encore perçu comme une concurrence au tri à la source»
Vincent Chapel, directeur général d’Helvetia Environnement
Genève et son image de carte postale en prennent un sacré coup. Malgré l’introduction en grande pompe des p’tites poubelles vertes, le canton fait toujours figure de parent pauvre en matière de recyclage des déchets. Son taux atteint péniblement 48,6%. En Allemagne, il est supérieur à 65% depuis 2013.
Stagnation nationale
Un retard qui trouve son origine au niveau national selon Vincent Chapel, directeur général d’Helvetia Environnement: «Au fil des années, la Suisse a commencé à stagner, en se disant qu’elle avait de l’avance en la matière. Quand on regarde le dernier classement publié par le World Economic Forum, on se rend compte que ce n’est plus le cas! En matière de recyclage, notre pays est désormais en cinquième position, derrière l’Allemagne, l’Autriche, la Corée du Sud et le Pays de Galles.» Contacté, Luc Barthassat, l’ancien conseiller d’Etat en charge du Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (DETA), n’avait pas souhaité donner suite à nos sollicitations.
Statistiques contestées
Jacques Martelain, directeur du Service de géologie, sols et déchets, est plus loquace: «Nous devons rester très prudent lorsque l’on compare des chiffres de ce type. En effet, il y a de très nombreuses façons de calculer un taux de recyclage, ce qui peut conduire à des évaluations fausses. Par exemple en Suisse, le canton de Genève peut se comparer à la Confédération et au canton de Berne, car nous calculons notre taux de la même façon.»
Admettons, mais quelle est la solution pour sortir des querelles de calculs? Et surtout améliorer le taux de recyclage genevois? Vincent Chapel a son idée sur la question: «Il faut miser sur un tri complémentaire qui se situerait entre le geste des particuliers ou des entreprises et les incinérateurs publics. Ceci permettrait des taux de recyclage nettement supérieurs. Ce n’est plus une utopie, nous pouvons y arriver! Nous nous devons d’être ambitieux! Le problème est que les communes ne voient pas encore le potentiel du tri complémentaire, qui est encore perçu comme une concurrence au tri à la source.»
Contamination croisée
Une idée toujours taboue mais qui séduirait presque Jasmine Voide, responsable romande de l’association Swiss Recycling: «Un tri complémentaire est une possibilité, mais cela demande un grand investissement financier et il y a beaucoup de risques de contamination croisée.» Jacques Martelain va encore plus loin: «La politique de la gestion des déchets en Suisse est le tri à la source, avant tout mélange. Instaurer un autre modèle pourrait déstabiliser les ménages qui trient.» Reste que ces mêmes ménages produisent chaque année 700 kilos de déchets par habitant selon la Confédération, trois fois plus par rapport aux années 1970. Des mesures devront donc être prises pour limiter l’impact de cette surconsommation.