Seule réponse: la République!

PLURICULTURELLE • Coexistence, respect de l’autre: et si Genève donnait l’exemple! Par la richesse de son Histoire, son ouverture, ses institutions républicaines, notre canton possède bien des atouts. Il aurait tort de s’en priver.

  • Reconstruire quelque chose, ensemble. ISTOCK/ANDREYPOPOV

    Reconstruire quelque chose, ensemble. ISTOCK/ANDREYPOPOV

«La République doit éduquer ses enfants dans la connaissance»

Pascal Décaillet

En ces jours d’intense émotion qui suivent les attentats de Paris, ces journées qui nous remuent dans notre humanité, nous avons tous besoin, en Suisse romande comme en France, comme partout, de partir de ce déchirement pour reconstruire quelque chose, ensemble. Quelque chose de puissant, enraciné dans des valeurs communes, projeté vers l’avenir. Jean-Jacques Rousseau, appelle cela le Contrat social, et je crois profondément que c’est le mot juste. Je ne veux pas ici trop parler de religion, même si ce domaine me passionne. Mais de coexistence à l’intérieur d’un même périmètre: pays, canton, peu importe. A cet égard, Genève dispose de tous les atouts pour donner l’exemple. D’abord, parce qu’elle est multiple. Mais surtout, parce qu’elle est une République. Traduisez: la chose commune, l’affaire de tous.

Le langage de la République

La République n’est pas une adjonction de communautés. Face à elle, elle ne reconnaît que des citoyens. On peut être catholique, protestant, juif, musulman, orthodoxe, athée, agnostique, on a totalement le droit de l’être, mais face à la République, on se définit comme citoyen. Et les lois que nous nous donnons, soit directement soit par nos élus, doivent primer sur les codes ou coutumes des différentes religions. Non pour les humilier, ces codes, mais pour affirmer que, dans l’espace commun, nous aspirons à parler le même langage, celui de notre organisation démocratique, citoyenne. Le langage de la République.

Eduquer nos enfants

Mais la République ne saurait se cantonner dans l’abstraction, au nom d’une vision épurée de l’Histoire. Elle doit éduquer ses enfants dans la connaissance. Entre autres, par une initiation factuelle aux grands courants spirituels de la planète. Il m’est, pour ma part, bien égal que cet enseignement soit prodigué au sein de cours d’Histoire, de philosophie, ou existe en propre comme «Histoire des religions», ou sous le titre qu’on voudra. Mais l’essentiel est qu’il existe. Juste pour savoir, lorsqu’on dit «christianisme, judaïsme ou islam», de quoi l’on parle. Et je dois dire ici, une fois de plus, mon désaccord avec ceux qui, au nom de la neutralité de l’école, voudraient éradiquer toute référence à ce domaine. Comme si, dans l’ordre de la construction de la connaissance, on gagnait quoi que ce soit par l’imposition du silence, la pratique du gommage, la damnation de mémoire. De l’acquisition d’une connaissance, transmise avec intelligence par des passeurs sachant se contenir au factuel, qu’aurions-nous donc à craindre?

La religion des livres

Oh, cette élévation du degré de connaissance, pour peu qu’elle advienne (je ne suis pas sûr que nous en prenions le chemin), n’aurait évidemment pas la vertu de nous prémunir contre le rejet de l’autre. En cette espèce, il n’y a nulle recette miracle. Mais enfant des livres, vivant au milieu d’eux et leur devant tant, il me semble que ces derniers ne sont pas les derniers à nous élever dans l’ordre de la République. Non comme miracle. Ni comme antidote providentiel. Mais comme chemins de décryptage du monde. Au pluriel. Dans le risque du doute et de la confrontation. Peut-être pas les religions du Livre. Mais la religion des livres. Dans l’ordre de ce qui relie, nous parle, nous adresse des signes, nous permet d’échanger, communiquer. Avec, si possible, des mots, plutôt que des kalachnikovs.